Entre les discours sur les politiques publiques de la culture et la réalité de leurs mises en oeuvre, l’écart donne souvent le vertige. Nous en faisions déjà état dans nos derniers éditos. Les échéances électorales à venir nous incitent aujourd’hui à relever certaines caractéristiques récurrentes de ces politiques, que nous souhaiterions voir évoluer différemment.
Premier constat
Les politiques publiques de la culture sont aujourd’hui très souvent initiées à partir d’objectifs et d’ambitions extérieurs à la vie artistique ou culturelle : retour d’image pour les collectivités ou les « élus » ; attractivité économique et immobilière du territoire ; utilité sociale de l’activité, etc… Tout porte à croire que l’initiative artistique et culturelle ne justifie pas en elle-même l’investissement public qui lui est consenti et que le « retour sur investissement » dans ce domaine soit à chercher ailleurs…
Deuxième constat
Les collectivités publiques et les institutions se contentent de moins en moins de définir les orientations des politiques culturelles : elles entendent à présent toujours plus les prescrire et en maîtriser la conduite. On assiste à la multiplication des appels à projets (ou des appels d’offres) qui placent les acteurs en situation de concurrence, les maintiennent dans des perspectives à court terme et dans une grande dépendance à l’égard d’un appareil institutionnel et administratif toujours plus conséquent. On voit croître le pouvoir des « opérateurs publics », le nombre des « études », des « audits », les exigences administratives, les prérogatives des « centres de ressources » institutionnels chargés d’« accompagner » les équipes dans leur activité… en même temps que s’amenuisent les moyens alloués aux équipes et à leurs projets.
Troisième constat (découlant du second)
C’est à la mise au pas progressive mais réelle de la vie artistique et culturelle du pays que nous assistons : outre les plus « fragiles » qui sont dans ce domaine comme ailleurs les premiers sacrifiés, les projets atypiques et les indépendants sont marginalisés voire délaissés au profit de projets plus conformes et rassurants, parce que plus directement placés sous la dépendance de l’autorité politique (voir à ce sujet la belle lettre d’Éric Chevance, directeur démissionnaire du TNT à Bordeaux | www.letnt.com | ).
Pour qu’une politique culturelle alternative soit crédible, il faudrait non seulement qu’elle manifeste de véritables ambitions sur le plan strictement artistique et culturel, mais aussi qu’elle affirme sa confiance à l’égard des acteurs de terrain en leur assurant l’indispensable marge d’action et d’autonomie que leur mission réclame.
À ce jour, les différents discours et programmes électoraux font l’impasse sur ces questions. Il nous reste donc quelques mois pour amener « nos politiques » à clairement énoncer le « contrat » qui sera proposé entre les « acteurs culturels » et l’ensemble de la société.
RÉGIS HEBETTE