ÉDITO – FÉVRIER 2018

Notre dernier édito (septembre 2017) alertait sur la situation économique de L’ÉCHANGEUR — Cie Public Chéri. Nous y évoquions les coupes sur l’emploi et l’impasse sur la création auxquelles il nous avait fallu procéder dans l’urgence, et nous y appelions à la présence et à la complicité des amis, des artistes, des spectateurs, pour nous aider à affronter un péril économique susceptible de remettre en question à brève échéance l’existence de ce lieu et l’aventure collective qui le fonde.

Outre les économies réalisées par nos «ajustements structurels» (on disait autrefois «suppressions de postes»…), et outre un effort du Ministère (+ 5000 € de la DRAC en 2017), c’est notamment à la forte présence du public que nous devons d’avoir évité la déroute annoncée. Au demeurant le déficit de cette année 2017 reste lourd (probablement voisin de 50 000 € !) – et 2018 démarrera par une demande de crédit à la banque…

Ainsi, comme nombre de citoyens et nombre d’États, L’ÉCHANGEUR — Cie Public Chéri entre dans la spirale de la dette ; en plus de ses difficultés financières (et de la réduction de son équipe), il lui faudra verser son tribut à la puissance bancaire, pour faire face à… ses difficultés financières.

Cet assujettissement s’accompagne d’une seconde forme d’aliénation, toute aussi pernicieuse : la perte complète de maîtrise d’un emploi du temps sans «temps mort» ni «temps libre». Puisque le travail ne permet pas de couvrir les besoins, il faut nécessairement rajouter du travail au travail.

Pour L’ÉCHANGEUR — Cie Public Chéri, comme pour de nombreux autres, cela signifie aller sans cesse au-devant de l’activité et répondre sans cesse à de nouveaux «appels à projets».

Cette situation (qui allie surcharge de travail et endettement) n’a cependant rien d’exceptionnelle, on pourrait presque dire qu’elle est consubstantielle de la condition du travailleur moderne.
Comment échapper à ces aliénations et reprendre prise sur nos vies ? Comment sortir de ce «système» sans déserter la place ? Comment remettre désir, plaisir, poésie au centre de nos existences et de nos aventures collectives ?

C’est à partir de ces interrogations que nous entendons repenser – avec d’autres, artistes et non artistes – le devenir du L’ÉCHANGEUR — Cie Public Chéri.
Ce sont ces questionnements qui sont à l’œuvre dans nos Coups de Fourchettes et plus encore à travers le Printemps de L’Échangeur qui entend notamment revenir (en cette année du cinquantenaire de mai 68…) sur les aspirations d’une époque récente, les années 60, où s’énonçait crânement dans le champ artistique aussi bien que dans le champ social ou politique, la volonté de s’affranchir de toutes les formes d’emprise et d’aliénation.

RÉGIS HEBETTE