L’ÉCHANGEUR S’AGRANDIT.
Pour la quatrième fois en 20 ans, L’ÉCHANGEUR repousse ses murs et prend le risque d’alourdir un projet qui est économiquement à la peine depuis son origine.
Cette prise de risques répétée, et au demeurant calculée, est inhérente au projet : elle a été la condition de son affirmation depuis deux décennies, elle est aujourd’hui celle de sa pérennisation et de sa reconnaissance à l’échelon national.
L’acquisition de 500 m2 de locaux supplémentaires (à travers un bail locatif 3/6/9) a d’abord pour but de conforter et prolonger le projet existant : un tiers de la surface permettra d’agrandir le foyer d’accueil du public et de doter le théâtre d’espaces techniques conformes à son activité ; un second tiers permettra à nos voisins de la Lutherie Urbaine de développer leur projet aujourd’hui mis en difficulté par le manque de locaux ; le troisième tiers permettra de créer un lieu de résidence permanente pour la danse à L’ÉCHANGEUR, en collaboration avec le chorégraphe François Laroche-Valière et l’équipe d’Arcane-21.
Mais l’acquisition de ce nouvel espace, dans une zone « attractive » sur le plan immobilier (et particulièrement pauvre en espaces non commerciaux), est aussi un enjeu citoyen et politique.
Il s’agit en effet de contribuer à affirmer la place de l’art et des artistes − professionnels et amateurs − au carrefour de trois villes, Bagnolet , Paris et Montreuil, au moment où se préfigure un projet dont nous ignorons à peu près tout en dehors du fait qu’il sera effectif dans 2 ans : le Grand Paris !
Le « petit » pari de L’ÉCHANGEUR (confirmer la destination artistique et culturelle de l’ensemble du site géographique qu’il occupe) est donc en parti pensé à l’aune du projet Grand Paris des décideurs politiques et des promoteurs immobiliers, qui ignore purement et simplement la question culturelle.
« Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie », telle était la devise de la campagne de transformation de la capitale menée par le préfet Haussmann il y a 150 ans. Elle contribua à repousser les couches populaires en périphérie, et fut suivie, 2 ans après son terme, de la Commune de Paris. La formidable spéculation immobilière qui l’accompagna provoqua également le krach financier de 1873.
Nul ne sait ce que sera la réaction des populations honteusement ignorées par le projet de Métropole du Grand Paris, mais L’ÉCHANGEUR et tous ceux qu’il abrite sauront se mobiliser et joindre leurs voix à celles des habitants qui disent :
« Nous sommes là, et ce qui se passe sur ces territoires nous concerne ».
RÉGIS HEBETTE
1Dans une lettre à Napoléon III, Haussmann écrit : il faut « accepter dans une juste mesure la cherté des loyers et des vivres comme un auxiliaire utile pour défendre Paris contre l’invasion des ouvriers de la province. »