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« Appontages et le flot dépassa ma sandale…» Mise en scène, partitions lumière et son Martine Venturelli, au Théâtre L’Échangeur
Article de Paula Gomes
23 février 2016
Un rêve sonore, voyage poétique à travers flot
C’est dans l’obscurité totale que tout commence. Une quinzaine de minutes où le public prend contact avec l’œuvre. Les sonorités sont multiples, étonnantes et harmonieuses, l’ouïe est aiguisée. Quelques vibrations, bruissements de feuilles, et très vite l’univers marin apparaît avec des cornes au loin. Les corps se devinent par souffles, glissements. L’imagination du spectateur se construit d’autant plus que l’immatérialité persiste : pas d’incarnation, silhouettes furtives, torses nus, phrasés rares, brumes et ombres. Mineurs, naufragés, gardiens de phare, mer, sans certitude, l’assistance suit cet étrange équipage vers des rivages lointains. Un voyage poétique et hors du commun où le lâcher prise est nécessaire pour apprécier pleinement la traversée.
Martine Venturelli nous offre une création épurée avec une partition sonore incroyable. Prise en compte de la dimension métaphysique et spirituelle qui nous entoure, des éléments (tempête, mer agitée). Les lieux sont parfois suggérés par des sons. Martine Venturelli va à l’essentiel, sans avoir peur de déstructurer, assembler et inventer un nouveau langage scénique. Les textes savamment choisis (Abraham, Büchner, Gabily, Lowry…) sont mis en lumière et soulignés par des œuvres musicales (Ligeti, Bach, Léandre…). Chorégraphies remarquables, parfaite organisation de l’espace et des accords entre les corps et les objets. Apparitions, éléments flottants, un monde onirique où éclairage et acoustique émerveillent.
L’expérience est aussi particulière pour les comédiens qui jouent dans le noir. Ils doivent trouver de nouveaux repères, être dans une écoute accrue avec tous leurs sens en éveil. C’est un nouveau jeu qui s’opère. Les acteurs agissent sur le son, la lumière et l’espace. Ils portent les lumières et font glisser des armoires métalliques qui deviennent des partenaires de jeu et aussi des porteurs de sons (enregistrements poétiques). Présence de deux musiciens sur le plateau (saxophone, percussions) qui animent les matières sonores (bande-son, comédiens, sons plateau et sons des portes d’armoires). Beauté esthétique, émotions et moments magiques dans la nuit avec un phare qui guide les travailleurs, une diva sur une balançoire dont la voix particulière traverse les airs. Une belle énergie du groupe et un spectacle bien rythmé.
A noter le prolongement du plateau avec l’exposition « Agencements de territoires » présentant les peintures de Gérard Venturelli. De l’énergie, avec une poussée vers l’écriture sans vraiment l’atteindre, une finalité en suspens. Un mouvement d’absence qui constitue l’aventure Venturelli.
Appontages et le flot dépassa ma sandale…
Mise en scène, partitions lumière et son Martine Venturelli
Équipage Juliette de Massy, David Farjon, Suzanne Llabador, François Lanel, Sylvain Fontimpe, Riwana Mer, Nicolas Carrière (Régie son)
Accompagnement de l’écriture du son au plateau Thierry Besche
Voix, accordéon François Tanguy
Musiques de Joëlle Léandre, Grand duo concertant
Gyorgy Ligeti, Coulée et Lux aeterna
Jean-Sébastien Bach, La Passion selon Saint-Jean
Jean-Luc Guionnet, musique pour Appontages
Sons de phare Anne Baudoux, François Tanguy, Martine Venturelli
Éclats des paroles de Malcolm Lowry, Poèmes – Jean-Pierre Abraham, Armen – Didier-Georges Gabily, Violences et Chimères – Maurice Blanchot, Au moment voulu – Georges Büchner, Lenz – Jonas, traduction Henri Meschonnic – Antonin Artaud, Cahiers d’Ivry
Constructions des objets sonores et lumineux Atelier recherche scène (1+1=3)
Script de plateau, intendance Typhaine Rouger
Du 19 au 23 Février 2016
Théâtre L’Echangeur
59, avenue du Général de Gaulle
93170 Bagnolet
http://www.lechangeur.org